Un an après son entrée en vigueur, la Loi Le Meur — souvent qualifiée de « loi anti-Airbnb » — continue de faire débat. Présentée comme un outil majeur pour lutter contre la crise du logement, elle a profondément modifié le cadre fiscal et réglementaire des meublés de tourisme. Mais les premiers bilans montrent un décalage frappant entre l’ampleur des contraintes imposées aux propriétaires et le faible impact réel sur l’accès au logement.
Si la loi renforce la fiscalité, durcit les obligations énergétiques (DPE), et donne davantage de pouvoir aux maires, elle ne traite pas les causes structurelles de la crise : déficit de construction, vacance élevée et lourdeurs administratives. Voici une analyse critique de cette première année de mise en œuvre.
1. Une réforme fiscale lourde, mais pas centrale dans le débat
La Loi Le Meur reconfigure profondément le régime LMNP, notamment avec la réduction massive des abattements du Micro-BIC. Ces seuils abaissés ont poussé de nombreux propriétaires à se tourner vers la classification en meublé de tourisme ou vers le régime Réel. De plus, l’alignement du calcul des plus-values sur les règles professionnelles ajoute un niveau d’incertitude fiscale.
Toutefois, même si ces changements pèsent lourd sur les petits propriétaires, ils restent accessoires dans l’analyse du marché du logement : ils modifient la rentabilité individuelle, mais n’ont que très peu d’effet sur l’offre globale de logements en résidence principale.
2. Une régulation locale renforcée, avec un impact variable selon les territoires
La loi a surtout renforcé le pouvoir des municipalités : limitation des locations à 90 jours pour les résidences principales, enregistrement obligatoire, hausse des sanctions, contrôle accru en copropriété et obligation de DPE. Ces outils permettent aux maires de restreindre fortement l’activité, notamment dans les zones tendues.
Mais leur efficacité dépend entièrement de leur degré d’application locale. Certaines villes, très dépendantes du tourisme, restent prudentes. D’autres, comme Paris ou Bordeaux, ont adopté une stratégie très restrictive… sans résultats probants sur les prix ou la disponibilité des logements.
3. Un an après : un bilan largement mitigé
Les meublés touristiques représentent une part marginale de la crise
Les données observées dans les villes les plus strictes montrent un impact extrêmement limité :
- Part des meublés intensifs : 0,3 à 0,4 % du parc
- Part des logements vacants : 7 à 10 %, soit jusqu’à 25 fois plus que les meublés touristiques
- Évolution des prix depuis le durcissement des règles :
- Paris : loyers +13 %, prix d’achat +6 %
- Bordeaux : loyers +22 %, prix d’achat +10 %
Ces chiffres soulignent que les meublés de tourisme ne sont pas un moteur majeur de la crise du logement. Même en contexte de régulation stricte, les prix continuent d’augmenter. Le problème vient principalement du manque de construction neuve, de la vacance durable et des contraintes pesant sur les bailleurs traditionnels.
Des conséquences économiques lourdes
Alors que l’effet sur le logement reste minime, l’impact sur l’économie locale est immédiat :
- retrait massif d’annonces et incertitude des investisseurs,
- baisse d’activité pour les conciergeries, blanchisseries et services associés,
- risque de fragilisation du tourisme urbain, déjà confronté à une hausse record des prix hôteliers (+70 % en huit ans à Paris).
Dans certaines stations touristiques, les exigences DPE inquiètent : les copropriétés mettent parfois des années à voter des travaux. Une application trop stricte pourrait déstabiliser l’économie de montagne, fortement dépendante des locations saisonnières.
Déplacements stratégiques plutôt que disparition du secteur
Loin de s’effondrer, le marché s’adapte :
- investissement déplacé vers des locaux à usage commercial (plus simples à louer),
- bascule vers le régime Réel,
- contournements administratifs liés au manque de coopération de certaines plateformes.
La loi Le Meur rend l’activité plus complexe, mais ne l’élimine pas. Elle va surtout renforcer la professionnalisation du secteur au détriment des petits propriétaires individuels.
4. Une loi structurante… mais un remède insuffisant à la crise du logement
La Loi Le Meur apporte certes un cadre plus strict aux meublés de tourisme, mais elle n’aborde pas les racines de la crise :
- trop peu de logements construits,
- lourdeur des procédures,
- difficultés de rénovation des logements vacants,
- inadéquation entre l’offre et les besoins réels des ménages.
Après un an, le constat est clair : cibler les meublés touristiques ne libère qu’une part infime de logements, tandis que les effets économiques et sociaux de la réforme touchent un secteur entier du tourisme.
La crise du logement nécessite une approche plus globale, ambitieuse et cohérente — qui dépasse largement le seul périmètre d’Airbnb et des locations de courte durée.

